Les Croates et l’Empire ottoman
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Samedi 7 novembre 2009 6 07 /11 /Nov /2009 12:19
La période turque Les Croates et l’Empire ottoman
Quelques réflexions sur leurs rapports La période dite « turque » de l’histoire croate a commencé vers 1400 avec les incursions des Akinci ottomans mais aussi avec la participation des soldats croates dans les batailles entre les Ottomans et leurs adversaires dans les Balkans. On admet généralement que le territoire de l’actuel Etat croate a été délimité lors de la paix de Karlowitz en 1699. Les Croates sont désormais divisés en deux groupes : la majorité est passée sous l’autorité des Habsbourg tandis que les autres, ceux de Bosnie-Herzégovine, sont demeurés sous la domination ottomane jusqu’en 1878 qui voit alors l’ensemble des Croates réunis dans l’empire d’Autriche. Cette séparation entre Croates de Croatie et Croates de l’extérieur durant près de deux siècles pèse sur le développement du sentiment national croate, phénomène de « longue durée » dans lequel les perturbations provoquées par la conquête et la présence des Ottomans ont joué un rôle considérable. Les artisans de l’intégration croate depuis le XVe siècle (nobles, officiers, membres de l’Eglise, poètes et, plus récemment, politiciens et historiens) ont cru, ou bien ont voulu croire, que les conquêtes ottomanes ont été un obstacle formidable à l’intégration nationale ainsi que la cause principale du retard général sur le plan du développement social et économique. [1] Aujourd’hui, l’état actuel de la recherche nous offre un tableau bien différent de cette vision notamment dans les domaines politiques, démographiques, économiques et sociaux. L’intégration territoriale et nationale entre la rivière Drava et l’Adriatique s’est vraisemblablement effectuée sans intervention du « facteur ottoman ». Il y avait là, une langue commune à tous et une culture commune, au moins pour une forte majorité de la population, et il n’est nullement prouvé que l’absence des Ottomans eut abouti à une Croatie plus grande, plus stable et plus développée qu’elle ne l’est aujourd’hui. A côté de l’absence d’unité économique entre le royaume de Croatie et le royaume de Slavonie au nord, le seul, ou presque seul lien qui les rapprochait politiquement de Dubrovnik et de la Bosnie était la personne du roi à Buda, l’autorité suprême pour ces deux derniers Etats. Les institutions politiques et sociales y étaient très différentes. Dans la Croatie ancienne, et surtout en Bosnie, on avait affaire à une féodalité assez archaïque à connotation tribale, tandis que la Slavonie, plus étroitement liée au système administratif hongrois, était partagée en comitats royaux. Sa partie occidentale était une sorte de vice-royauté hongroise, alors que les Comitats de l’Est, jusqu’au Danube, faisaient partie de la Hongrie proprement dite. Enfin on faisait peu usage du nom « Croate » hors de l’ancienne Croatie bien que le sentiment d’une communauté ethnique, linguistique et culturelle ne peut être nié. Après la bataille de Mohacs et la mort de Louis II de Hongrie, en 1526, les Croates ont élu roi Ferdinand Ier de Habsbourg, indépendamment de la noblesse hongroise, et le ban croate agissait effectivement comme un vice-roi. Une des plus importantes conséquences de l’avancée ottomane, qui s’est arrêtée en 1593, a été la fusion des restes du territoire de la Croatie et de la Slavonie, organisée désormais en un seul royaume, avec une diète commune depuis 1538. Ainsi la « menace turque » qui a forcé les Croates à chercher appui auprès de la puissance des Habsbourg et, par conséquent de l’Empire, a contribué à l’acquisition d’un plus grand degré d’indépendance des Croates. L’influence hongroise fut considérablement réduite, tandis que la pression des mesures visant à la centralisation absolutiste de la part des Habsbourg ne se sentait pas encore. Ces changements politiques ont été précédés et accompagnés par des mouvements migratoires du sud vers le nord. Les migrants appartenaient à des couches sociales diverses et venaient en majorité des zones particulièrement exposées aux attaques ottomanes dès le XVe siècle. A de rares exceptions près, les déplacements de la population n’étaient pas des fuites désordonnées. La noblesse, qui possédait des domaines dans les régions mieux protégées et plus éloignées des frontières, a souvent organisé les transports de leurs sujets, généralement avec succès. Les marchands et les artisans suivaient à leur tour et trouvaient un abri où ils avaient des parents et/ou des partenaires. On distingue deux régions migratoires principales : le Sud (la partie montagneuse de la Bosnie actuelle et la Dalmatie) et le Nord (la Lika, le bassin de la rivière Una et l’espace pannonien et péripannonien). Certains groupes de migrants sont allés très loins, jusqu’en Italie centrale (Abruzzes), au Burgendland (Hongrie occidentale) et en Slovaquie. Mais la grande majorité s’est arrêtée en pays croate soumis au Habsbourg et à Venise. Ajoutons que les migrations de la grande région méridionale, allant de l’est vers l’ouest, elles aussi, s’effectuèrent plus spontanément, mais dans la plupart des cas d’une manière relativement organisée. Dans le cas d’une véritable fuite il s’agit presque toujours de petits groupes qui se retrouvaient à l’extérieur d’un système de protection, qu’il soit seigneurial pour les serfs du Nord, militaire des Confins (Militargrënze) au Sud, voire des autorités ottomanes. Tel est, par exemple, le cas des agriculteurs des alentours des villes fortes de Dalmatie, très souvent assaillies par leurs voisins ottomans. Un autre groupe non négligeable était composé de gens en conflit avec les autorités ottomanes : des dizaines de documents édictés par les cadis de Klis, Skradin et autres places proches des possessions vénitiennes, sont pleines de références aux cas criminels où un ou plusieurs zimmi se sont enfuis à Split ou ailleurs, hors du territoire ottoman. [2] Au nord, en Slavonie, on trouve des mentions de fuite de raya au Darülharb. [3] On en ignore les raisons, mais il est probable que les conditions de vie tout près de la frontière étaient précaires, et que les raya qui devaient supporter les exigences légales des sipahis, les demandes illégales des voyvodes du sancakbeyi avaient en outre à subir les incursions des soldats-paysans des confins militaires ou d’autres sujets des Habsbourg. Le plus remarquable effet des « grandes migrations » vers les territoires croates demeurés hors du domaine ottoman a été, sans doute, une atténuation des régionalismes médiévaux. Ce phénomène est bien visible dans l’oeuvre des idéologues du communautarisme « slave » et/ou « illyrien ». Bien que leurs projets utopiques aient parfois englobé les pays de la mer Adriatique jusqu’à l’océan Pacifique, ils ont exercé une influence certaine parmi les Croates des Balkans occidentaux. [4] Le nom « Croate » est devenu beaucoup plus fréquent au détriment des noms régionaux et on a commencé à chercher une langue littéraire commune, fondée sur des dialectes populaires. Ceux retenus étaient celui de la population croate sous administration ottomane, ainsi que celui utilisé dans la riche littérature de Dubrovnik, petite thalassocratie croate indépendante de fait qui devait sa prospérité commerciale et culturelle à sa situation de vassal ottoman privilégié, particulièrement au XVIe siècle, son « âge d’or ». Il n’est pas difficile de comprendre que la plupart des propagandistes du communautarisme croate de cette époque croyait à l’utilité du « facteur turc » dans un sens négatif, défini comme une force ennemie du progrès et de la liberté, propre donc à mobiliser les énergies du peuple croate pour combattre l’ennemi. L’idée selon laquelle la Croatie était un antemurale christianistatis